La SABIX
Bulletins déja publiés
Biographies polytechniciennes
 

Louis-Benjamin FRANCŒUR (1773-1819)

Ce texte a été publié dans le Livre du Centenaire de l'Ecole polytechnique, 1897.

Francœur (Louis-Benjamin), né le 17 août 1773, était fils de Louis-Joseph Francœur, directeur de l'Opéra et surintendant de la musique du Roi. Ses premières études terminées, il se tourne du côté des Mathématiques et de la Physique. Mais la Révolution survient, et son existence subit le contre-coup des événements : d'une étude de notaire où il séjourne pendant une année, il passe, en 1792, dans les bureaux de l'Administration de l'Opéra; peu après, frappé par la réquisition, il est obligé de rejoindre l'Armée du Nord, en laissant son père enfermé comme suspect dans les prisons. Heureusement qu'à Maubeuge les connaissances en musique du jeune soldat le font choisir comme serpent, et que le gouverneur de la place, qui avait connu le directeur de l'Opéra, aide Francœur à se présenter à l'examen du Génie. Revenu à Paris, il réussit, après Thermidor, à tirer son père de prison. Quelques jours après, à peine âgé de vingt ans, il se marie.

Cependant l'Ecole centrale de travaux publics (depuis l'École Polytechnique) venait d'être fondée, et les cours devaient commencer au mois de novembre 1794. Monge réunissait autour de lui les plus forts élèves de l'École des Ponts et Chaussées, avec quelques autres jeunes gens, dont il avait pu apprécier les connaissances scientifiques et parmi lesquels se trouvait Francœur, pour former les répétiteurs de la future école. Avant le commencement du cours, Francœur fut élu par ses pairs l'un des vingt-cinq chefs de brigade, chargés, d'après l'heureuse idée de Monge, de répéter la leçon donnée à l'amphithéâtre et de donner des explications complémentaires.

En 1797, quand s'ouvrirent les nouvelles écoles d'application pour les services publics, civils ou militaires, Francœur opta pour l'Ecole des Ingénieurs géographes et du cadastre. L'année suivante, il fut choisi comme répétiteur d'Analyse à l'École Polytechnique, avec un traitement de 1500 fr; c'était l'existence assurée pour son père ruiné et sa jeune famille, condamnés aux plus rudes privations depuis l'effondrement de l'ancien régime.

Désormais libre de se livrer au travail, Francœur se mit à composer cette suite de traités qui ont rendu son nom célèbre; pour commencer, il publia, en 1800, un traité élémentaire de Mécanique en même temps qu'une petite Flore parisienne; la botanique, en effet, comme la musique, était une distraction pour le jeune répétiteur qui, chargé assez souvent de remplacer Lacroix, titulaire du Cours, ne tarda pas à se faire une réputation comme professeur : la clarté de son enseignement, le soin de le vivifier, comme Monge le recommandait, par des applications utiles, assurèrent son succès. En 1804, il fut appelé aux importantes fonctions d'examinateur des candidats à l'École Polytechnique, puis, en 1808, à la Faculté des Sciences. Telle était la réputation de son enseignement que le Cours de Mathématiques pures, en deux volumes, fut traduit en russe et prescrit pour les écoles impériales; les éditions de ses différents ouvrages se succédèrent rapidement.

Aux traites qu'on lui doit sur les Mathématiques, Francœur en ajouta bientôt d'autres sur l'Uranographie et l'Astronomie pratique. L'apparition de la grande comète de 1811 lui avait donné le goût d'observer le ciel; sans délaisser la Botanique, non plus que la musique, il voulut avoir, dans sa maison de campagne, un observatoire avec de beaux instruments pour cultiver l'Astronomie d'observation. Les traités qu'il eut ainsi occasion de composer figurent parmi ses meilleurs ouvrages.

Une mention spéciale est due au Traité de Géodésie, dont la première édition a été imprimée simultanément, en 1835, à Paris et à Saint-Petersbourg, et dont la septième édition a paru en 1880, enrichie de notes du général Perrier.

Mais il ne faudrait pas croire que l'activité de Francœur fût tout entière absorbée par le professorat et la publication de ses nombreux ouvrages. Fidèle, on peut le dire, aux traditions de l'Ecole Polytechnique, il prit une part importante au perfectionnement des méthodes pour l'instruction élémentaire. Grâce à lui, l'enseignement du dessin linéaire fut organisé et l'établissement du chant décidé dans toutes les écoles de France. Membre de la Société d'encouragement pour l'Industrie nationale aussi bien que de la Société pour l'instruction élémentaire, il a contribué efficacement par ses rapports lumineux aux progrès des arts mécaniques.

Les qualités de l'homme privé parurent dans une circonstance mémorable, lors de la proscription du général Carnot, son ami : il offrit sa maison pour asile au proscrit; il lui proposa, dans l'exil, d'accepter la dédicace d'un de ses ouvrages.

Les dernières années de Francœur furent attristées par la maladie. Elu membre de l'Académie des Sciences, en 1842, il s'éteignit le 15 décembre 1849.

Callandreau.