La SABIX
Bulletins déja publiés
Biographies polytechniciennes
 

Alexis Thérèse PETIT (1791-1820)


Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1807).

Ce texte a été publié dans le Livre du Centenaire de l'Ecole polytechnique, 1897.

Petit (Alexis-Thérèse) naquit à Vesoul en 1791. Comme Monge et Ampère, il fut un enfant prodige : à dix ans, il se montra en état de subir avec succès l'examen d'admission à l'École Polytechnique, et dès lors on l'y destina.

Il semble qu'en attendant on abusa de la précocité de cette extraordinaire intelligence. On le mit à Paris dans une Ecole préparatoire ; mais l'élève était si fort qu'on en fit immédiatement le répétiteur de ses camarades. Dès qu'il eut atteint la limite d'âge inférieure, en 1807, il entra à l'École sans difficulté; comme Poisson, il y étonna tout le monde; sa supériorité sur ses camarades fut si éclatante et si incontestée qu'il sortit hors ligne en 1809.

On le nomma immédiatement répétiteur du cours d'Analyse et de Mécanique, puis, au bout d'un an, de celui de Physique; en 1814 il suppléa Hassenfratz, qu'il remplaça en 1815, à 23 ans! Exemple unique dans l'histoire de l'École, Poisson et Cauchy eux-mêmes n'y parvinrent qu'à 25 ans.

Professeur à dehors aimables, à la parole élégante et facile, à l'intelligence vive et profonde, il releva immédiatement le niveau de l'enseignement dont il était chargé.

En même temps, il commença, associé à Dulong, la série de travaux qui devait immortaliser leurs noms; Petit apporta plus particulièrement dans cette collaboration admirable l'intuition scientifique, la puissance d'invention, l'esprit mathématique.

En 1815, l'Académie des Sciences avait mis au concours la question du refroidissement. Petit et Dulong l'abordèrent résolument. L'étude expérimentale de la chaleur était alors à peine ébauchée. Il fallut d'abord reprendre l'étude des dilatations des corps pour mesurer exactement les températures. C'est ainsi que furent successivement trouvés : le coefficient de dilatation absolue du mercure, donnée fondamentale ; le thermomètre à poids, qui permit de mesurer la dilatation du verre et d'autres corps solides et liquides; la démonstration que les températures indiquées par divers thermomètres ne sont pas les mêmes, que les quantités de chaleur absorbées par un thermomètre ne sont pas proportionnelles aux températures, sauf pour les gaz, où elles le sont très sensiblement; d'où l'emploi du thermomètre à air.

Ces préliminaires magistralement établis, les deux collaborateurs purent exécuter ce beau travail sur le refroidissement que nous ne pouvons analyser ici, exemple mémorable de recherche méthodique et précise sur un sujet extrêmement difficile; il en résulta une méthode d'investigation nouvelle en Physique et comme le point de départ d'une école nouvelle.

Ce grand travail fut suivi de minutieuses études calorimétriques, dont la conclusion, formulée le 12 avril 1819, fut que tous les atomes des corps simples prennent la même quantité de chaleur pour s'échauffer également : c'est la célèbre loi de Dulong et Petit.

Malheureusement Petit ne put aller plus loin. Cet homme heureux, qui jusque-là n'avait eu ni déception, ni ennui, éprouva un chagrin profond, qui ébranla profondément tout son être, épuisé déjà par des fatigues prématurées : il perdit sa femme, sœur d'Arago, et ne s'en consola pas. A partir de ce moment, il cessa tout travail et s'éteignit le 29 juin 1820, à 29 ans, laissant après lui de profonds regrets; ses élèves, dont il était très aimé, lui élevèrent à leurs frais un monument funèbre. C'était un homme de génie qui disparaissait ainsi prématurément, au grand détriment de la science et du pays.

Ernest Mercadier.