La SABIX
Bulletins déja publiés
Sommaire du bulletin n. 6
 

EDITORIAL

par Emmanuel GRISON

Claude Crozet, polytechnicien de la promotion 1805 devenu officier d'artillerie, émigra aux Etats-Unis après les guerres de l'Empire. Il fit une belle carrière d'ingénieur des "ponts et chaussées" dans l'Etat de Virginie, et y fut l'un des pères fondateurs, et le premier président, du Virginia Military Institute.

Cet établissement, qui vient de fêter son 150ème anniversaire, a gardé son statut original. On l'avait créé pour permettre aux jeunes gens de l'Etat de Virginie de recevoir un enseignement supérieur gratuit, en échange d'un engagement, pendant la durée de leurs études, dans la "Milice" de l'Etat, dont une des charges était à l'époque la garde de l'arsenal situé dans la même ville, Lexington. Encadrement, entraînement et discipline militaires donc, pendant la scolarité, mais le diplôme qui sanctionnait celle-ci était un diplôme d'études scientifiques supérieures générales et les "cadets" pouvaient trouver ensuite, comme des étudiants d'université, des situations dans tous les secteurs de l'économie. C'est encore le cas aujourd'hui, et la "Milice" du "Commonwealth" de Virginie existe toujours, mais le gouverneur de l'Etat n'a plus à la mobiliser comme au siècle dernier, pour protéger les citoyens contre des incursions indiennes ... ou pour se défendre contre l'invasion des Etats du Nord, comme ce fut le cas pendant la guerre de Sécession.

Crozet s'était beaucoup inspiré de son expérience de Polytechnique en traçant les programmes des cours de ce Virginia Military Institute ; il avait fait, par exemple, une large place à la géométrie descriptive de Monge, et ambitionnait une formation scientifique générale avant l'acquisition de savoirs appliqués.

Est-ce cet esprit, cette analogie de statuts, cette ouverture sur un large éventail d'activités, pas seulement militaires, d'où résultèrent des liens durables entre Polytechnique et le Virginia Military Institute ? Il est de fait, en tout cas, qu'ils furent maintenus par-dessus ce siècle et demi, et réactivés, ces dernières années, par des invitations et des visites réciproques.

La parution de l'excellente biographie de Crozet signée par le colonel E. L. Dooley, adjoint du surintendant du V. M. I. s'inscrit aussi dans cette relation amicale entre les deux Ecoles. Le premier article de ce bulletin présente à nos lecteurs, d'après ce livre et d'après nos propres archives, la figure de ce polytechnicien dont la carrière peut sembler "atypique", mais dont le caractère, on le verra, est assez conforme à un "type" fort répandu parmi les anciens X.

Le colonel Dooley s'est intéressé également à l'histoire de l'enseignement du génie militaire. Il a étudié celui qui était donné dans les débuts de notre Ecole entre 1794 et 1815, notamment par Gay de Vernon qui laissa un Traité d'art militaire et de fortification qui fut traduit en anglais. Nous avons reproduit, avec l'aimable autorisation du colonel Dooley, le texte d'une conférence qu'il a faite aux Etats-Unis sur ce sujet. Il insiste de manière originale, en suivant Gay de Vernon, sur le "coup d'oeil" du tacticien dans les opérations militaires, et sur l'aptitude de la pédagogie polytechnicienne à développer ces qualités d'intuition chez de futurs officiers.

Enfin, pour témoigner que les relations entre le V. M. I. et Polytechnique ne se bornent pas aux visites aimables et aux discours, même érudits, nous faisons part à nos lecteurs, pour nous en féliciter, de l'entreprise commune dont ont convenu récemment la Bibliothèque de l'Ecole (et la SABIX) et le colonel Dooley : la transcription sur ordinateur du premier registre manuscrit du Conseil de l'Ecole (1794 - 1799). La saisie du manuscrit est faite au V. M. I. par E. L. Dooley à partir de microfiches qui lui ont été remises. Recensions, corrections, édition sont faites à Polytechnique. Actuellement, la moitié du registre est déjà saisie et corrigée. Le résultat sera un document de travail - en imprimé et en disques - susceptible de toutes les interrogations possibles par informatique, qui sera évidemment de grande utilité aux historiens ... et permettra de protéger l'original des consultations manuelles qu'il vaut mieux lui épargner, vu son grand âge.

Que le colonel Dooley veuille bien trouver ici nos remerciements et l'expression de notre reconnaissance pour l'aide généreuse qu'il apporte aux historiens en assumant, bénévolement, cette tâche matérielle considérable.


Emmanuel GRISON