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Sommaire du bulletin n. 27
 

Pierre MORLAND (1768-1837)


Pierre Morland. Miniature ayant appartenu à Pierre Perrenet.

Pierre Morland, par M. Pierre PERRENET, membre non résidant

Cette biographie a été publiée dans Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, 1924, janvier-février

Si je n'étais persuadé de l'intérêt que prend l'Académie à tout ce qui lui rappelle son passé, je n'aurais pas songé à retenir son attention sur an de nos prédécesseurs, dont le nom n'a laissé que peu de traces dans le recueil de nos travaux, mais dont la mémoire mérite cependant d'être tirée de l'oubli.

Aussi bien, s'il n'a fait partie de l'Académie que pendant quelques années, du 11er décembre 1798 au début de 1816, cela tient-il à des événements tragiques qui, en bouleversant l'Europe, n'ont pas laissé que d'atteindre notre Compagnie, le sanctuaire de la science et de l'étude, selon l'expression alors en usage, que l'on aurait pu croire à l'abri des tempêtes politiques et surtout à l'abri de l'injustice ; mais il n'en fut rien, car, lorsque mourut en 1837 le docteur Pierre Morland, son nom, bien qu'il eût été secrétaire perpétuel de l'Académie, ne figura pas dans nos Mémoires, comme s'il n'en avait jamais fait partie. M'employer, aujourd'hui, à faire revivre son souvenir est pour moi non seulement réparer cette injustice et me donner le plaisir de rappeler les mérites d'un, confrère d'autrefois, mais accomplir aussi un acte de piété filiale, puisque Pierre Morland fut le grand-père de mon père et que je puis m'honorer de provenir de cet homme de bien.

Les origines du docteur Morland sont des plus modestes. Son grand-père, Thomas Morland — qui mourut le 12 novembre 1745, âgé d'environ cinquante-six ans, — était petit cultivateur ou simple artisan au village de Charnay [aujourd'hui, canton de Saint-Germain-du-Bois, arrondissement de Louhans], sur la paroisse de Frangy, dépendant du diocèse de Besancon et du bailliage seigneurial de Bosjean, à deux lieues et demie de Louhans. De son mariage avec Claudine Guillemin — morte à Charnay, le 15 janvier 1763, âgée d'environ soixante-trois ans — il eut plusieurs enfants, dont Charles, né le 6 mars 1739, qui vint à Dijon, s'éleva dans sa condition sociale, parvint aux fonctions de commis à la Chambre des comptes, se maria et put donner à celui de ses fils qui nous intéresse une solide instruction. Il mourut le 13 juillet 1774. Sa femme, Anne Magnot (ou Magniot), vivait encore en l'an XI.

Leur fils Pierre naquit à Dijon le 16 janvier 1768. Toute son enfance s'écoula dans sa ville natale. Je n'ai trouvé aucun renseignement précis sur ces premières années d'éducation, mais il est manifeste qu'elles furent sérieusement employées et que Pierre Morland fit des études classiques des plus complètes.

Dans la notice nécrologique que le Journal de la Côte-d'Or lui a consacrée, dans son numéro du 16 avril 1837, et qui parait, malgré quelques inexactitudes, l'œuvre d'un ami très au courant de sa vie, il est raconté que son goût pour la médecine et les sciences naturelles se développa de bonne heure et que, pendant deux ans, il fut un des plus assidus et des plus distingués parmi les élèves du chirurgien Le Roux, alors célèbre à Dijon. [Antoine-Michel Le Roux, né le 2 décembre 1730, chirurgien en chef de l'Hôpital, mourut à Dijon le 23 octobre 1792].

Lorsqu'éclata la Révolution, il semble avoir pris très vivement parti en faveur des idées nouvelles. Il figure en 1789, en qualité d'élève en chirurgie, parmi les volontaires grenadiers de la ville de Dijon [Anatole Hnguenin, Les volontaires de Dijon en 1789 (Mémoires de la Société bourguignonne de géographie et d'histoire, t. X. p. 372) ].Entré certainement peu de temps après dans l'armée, il fit campagne comme chirurgien. N'ayant aucun document qui infirme ou confirme le récit du Journal de la Côte-d'Or, je me contente de le citer malgré ses invraisemblances.

C'est en cette qualité de Docteur en médecine qu'il servit d'abord comme chirurgien à l'armée de Sombre et Meuse [Pierre Morland ne fut, en réalité, reçu docteur en médecine que le 14 thermidor an XIII], puis il fut appelé au siège de Lyon comme chirurgien major [La prise de Lyon eut lieu en octobre 1793], dans un régiment de chasseurs dont le dernier abbé de la Trappe était colonel. Là son autorité et sa philanthropie se manifestèrent par un de ces actes que sa modestie n'avait révélé qu'à un petit nombre d'amis. Beaucoup de proscrits étaient menacés de mort et recherchés à Lyon où leurs tètes devaient tomber. De concert avec les principaux officiers, il leur fait revêtir l'uniforme du régiment, et, sous ce déguisement, ils quittent la ville en bénissant leurs libérateurs. Restaient leurs femmes et leurs enfans exposés aux mêmes dangers ; ils sont placés dans un bateau, et Morland, chargé de les accompagner, ne les quitte qu'après les avoir mis à l'abri de toute poursuite et de tout péril. Condamné pour ce fait à être fusillé, il n'échappe à la mort que par son sang-froid et sa présence d'esprit.

Il est certain que Pierre Morland était trop modeste et trop sincère pour avoir raconté à ses amis des faits à sa louange qui ne fussent pas vrais; mais il y eut sans doute une partie de la confidence mal comprise. Pierre Morland a dû dire qu'il aurait mérité être fusillé sans son sang-froid et sa présence d'esprit, qui détournèrent les soupçons; car, s'il avait été réellement condamné à être fusillé, bien qu'échappant par miracle à l'exécution, il aurait perdu tout crédit près des autorités révolutionnaires. Or, nous le voyons recevoir quelques mois plus tard le certificat suivant :

Au nom du Peuple.
Boisset, représentant du Peuple Français dans les départements de l'Hérault et de l'Aude, investi de pouvoirs illimités par le Décret du 2 Primaire, et chargé des réquisitions pour les subsistances;
D'après la connaissance qui nous a été donnée de la capacité, expérience, bonne conduite et civisme vraiment républicain du citoyen Morllan; nous l'avons nommé chirurgien aide-major à l'hôpital de Mêze pour y exercer ses fonctions et y jouir du traitement attaché à son employ.
Fait à Montpellier le 10me ventôse l'an 2me de la république une et indivisible. [29 février 1794]
Boisset.

Pierre Morland ne paraît pas être resté longtemps à l'hôpital de Mèze et avoir gardé cette situation stable. Dans les quelques notes laissées par lui, il nous dit qu'il a fait la guerre dans le Comté de Nice, au col de Tende, aux montagnes de Sospello, dont le souvenir est resté agréablement gravé dans sa mémoire. Cela nous reporte à la campagne d'Italie, commencée au col de Cadibone, entre Nice et Gènes, le 11 avril 1796, et terminée un an plus tard, à Léoben. Pierre Morland n'a pu prendre part qu'aux préliminaires ou au début de la campagne, car le 7 septembre 1790 (20 fructidor an IV), il épousait, à Minot [canton d'Aignay-Ie-Duc, arrondissement de Châtillon-sur-Seine], Louise-Françoise Couturier, fille mineure du citoyen Couturier, arpenteur à Minot et président de l'administration municipale du canton de Minot, et de Marguerite Guillemot, sa femme. Or, Pierre Morland est alors officier de santé, professeur et bibliothécaire à l'Ecole centrale d'Autun.

Le contrat, passé devant Me Massenot, notaire à Minot, ne révèle qu'une bien modeste situation de fortune. Pierre Morland apporte dans le ménage ses droits paternels échus et ses droits maternels à échoir, le tout représenté par une somme de 1.000 francs que lui remet sa mère. Louise-Françoise Couturier n'apporte que ses droits maternels échus, représentés par 500 francs, que son père promet de lui verser; les droits paternels à échoir ne sont pas estimés. Pierre Morland a pour témoin Jean-Baptiste Chaussier, propriétaire à Gissey, cousin germain de la future; c'est sans doute lui qui a fait le mariage. La mariée a près d'elle son beau-frère, Jean Couturier, négociant à Dijon, mari de sa sœur Claudine-Claire, son oncle Antoine Chaussier, propriétaire à Barbirey-sur-Ouche, sa tante Jeanne Couturier, fille majeure à Léry.

De ce mariage naquit, le 17 floréal an V, une fille Caroline, qui ne vécut que peu de temps; elle avait en naissant causé la mort de sa mère, survenue le 24 floréal an V.

Le 27 vendémiaire an XI (18 octobre 1802), Pierre Morland, maintenant officier de santé demeurant à Dijon, épousait Claudine Gelquin, née le 17 juin 1772 d'Antoine Gelquin, négociant et propriétaire à Dijon, et de Claudine Dumont, fille de Pierre Dumont et de Guillemette Navier. Claudine Gelquin était veuve de François Belime, qui était négociant à Dijon : deux fils jumeaux, Antoine et Théophile, nés le 23 thermidor an IV, étaient morts l'un en l'an V et l'autre en l'an VI.

Ce mariage était un établissement sérieux pour Pierre Morland : il le fixait définitivement à Dijon, en le faisant entrer dans une famille nombreuse et riche, aux relations utiles. Par le contrat reçu Muteau, notaire à Dijon, le futur époux apporte sa bibliothèque, ses meubles et effets personnels, estimés 3.000 francs, et une maison à Agey [canton de Sombernon, arrondissement de Dijon] d'une valeur de 3.000 francs en capital. La future épouse apporte ses économies et ses effets personnels estimés 17.000 francs. Aucune donation en faveur du mariage n'est stipulée, mais Claudine Gelquin, tant de ses parents que de ses grands-parents, était en droit d'attendre une fort belle fortune.

Pierre Morland habite désormais, au n°5 de la rue des Forges actuelle, la maison de ses beaux-parents et il est redevenu complètement dijonnais. Le 10 frimaire an VII, il avait été nommé professeur d'anatomie ; il était membre de l'Académie depuis le 1er décembre 1798 et prenait une part active à ses travaux [L'Académie qui avait été supprimée le 8 août 1793, avait été reconstituée le 2 juin 1798 (14 prairial an VI), sous le titre de « Société libre des sciences, arts et agriculture de Dijon ». Le 8 juillet 1802 (19 messidor an X), elle reprit son ancien titre qu'elle a conservé depuis] ; le 19 thermidor an VII (6 août 1799), un arrêté du directoire du département l'avait nommé conservateur du Muséum d'histoire naturelle. Son simple titre d'officier de santé étant devenu, depuis la loi de 1803, insuffisant pour lui donner l'autorité nécessaire et lui permettre d'exercer sa profession en toute liberté, Pierre Morland fit un court séjour à Paris pour y acquérir le grade de docteur en médecine qui lui fut décerné le 14 thermidor an XIII.

Le docteur Morland avait adhéré très vivement au régime impérial. Cela devait lui attirer plus tard beaucoup d'ennuis, mais en attendant il en avait le profit. Très en faveur, jouissant d'ailleurs de l'estime de tous ceux qui l'entourent, il est nommé, le 25 juillet 1809, par un arrêté signé Fontanes, professeur d'histoire naturelle à la Faculté des lettres de Dijon, mais..., vu l'article 31 du décret impérial du 17 mars 1808, portant qu'aux fonctions de professeur de Faculté répond le grade de docteur, un arrêté du 2 août 1810 le nomme, en outre, docteur es sciences. Il s'agit là d'une mesure générale; le diplôme est imprimé.

Mais le malheur allait s'abattre sur lui et les siens, et les tristes années commencer. Claudine Gelquin, sa jeune femme, mourait le 25 octobre 1812, lui laissant une petite fille, Anne-Caroline, née le troisième jour complémentaire de l'an XI (24 juillet 1803), qui devait être sa consolation dans ses épreuves. [Elle épousa, le 7 avril 1823, Pierre Perrenet et mourut le 7 mars 1890].

Ce n'est pas en vain que l'Académie avait accueilli Pierre Morland ; celui-ci avait pris à cœur de répondre à l'honneur qui lui était fait et, dès 1799, il lisait en séances publiques des mémoires sur les sciences qu'il affectionnait particulièrement : la médecine et la botanique. Le 10 germinal an VII (10 mars 1799), il développait quelques idées sur la connaissance des végétaux ; le 10 messidor an VII (28 juin 1799), il exposait un Essai sur le sommeil. Les communications se succédaient chaque année sur des sujets analogues, et même, en 18O2, il se permit la lecture d'un conte : Il était temps. Sa nomination aux fonctions de secrétaire perpétuel, témoignage de l'estime de ses confrères, mit à sa charge, à partir de 1808, le compte rendu annuel des travaux de l'Académie : il s'en acquitta pour les années 1808, 1809 et 1812. Dans les séances publiques du 8 février 1809 et du 22 août 1810, il présenta deux mémoires, l'un exprimant des Considérations sur les antiquités du globe, et l'autre étudiant les Inondations partielles qui ont ravagé le globe, mémoires qui devaient plus tard servir de prétexte aux persécutions dont il allait être la victime. Sans doute émettait-il des hypothèses que la science géologique plus développée a depuis vérifiées ou en partie autorisées, hypothèses que des esprits plus zélés que savants, ne lisant dans la Genèse qu'un texte littéral, dont le sens profond leur échappait, poussés d'ailleurs par la passion politique et la jalousie, prirent pour des manifestations irréligieuses, dont il eut quelque mal à se défendre.

Le docteur Morland passait, à juste titre, pour un bonapartiste ardent ; aussi, à la chute de l'Empire, fut-il parmi les vaincus, et comme eux, atterré de voir l'aigle tomber des

voûtes éternelles,
Lorsqu'un grand coup de vent lui cassa les deux ailes
,

resta-t-il dans l'attente d'un événement vaguement espéré et qui se réalisa dans le retour de l'île d'Elbe. Pendant les Cent jours, il fit partie de la nouvelle municipalité dijonnaise, nommée le 20 avril 1815 et installée le 4 mai. Il avait parmi ses collègues le premier président Larcher, le procureur général Balland, l'avocat général Dézé, le juge au Tribunal civil Maulbon d'Arbaumont, le pharmacien Tartelin, Peincedé l'archiviste, Vaillant, le père du futur maréchal de France; courte magistrature qui prit fin après Waterloo. L'ancien conseil municipal royaliste remplaça automatiquement le conseil bonapartiste, qui n'avait siégé qu'un mois et demi.

La première Restauration n'avait provoqué dans la Côte-d'Or, au point de vue politique tout au moins, — laissons de côté l'occupation étrangère — aucun incident sérieux. Mais les changements brusques de régimes qui, durant le printemps de 1815, firent passer le pouvoir tantôt entre les mains de la famille Bonaparte, tantôt entre les mains des Bourbons, ne pouvaient qu'exciter très vivement les passions. Les royalistes, en reprenant la direction des affaires, ne pouvaient pardonner aux impérialistes d'avoir été humiliés et d'avoir eu peur; ceux-ci ne supportaient pas leur défaite sans colère. Il se joignait aux divergences politiques et aux rancunes d'amour-propre une contradiction, il est vrai plus apparente que réelle, entre deux conceptions de la discipline morale. Les bonapartistes, derrière eux les jacobins témoins muets des événements, représentaient l'esprit nouveau, l'esprit révolutionnaire, celui qui avait rejeté l'autorité de la religion ; les royalistes, bien que fréquemment voltairiens, se posaient comme les soutiens de l'autel en même temps que du trône. S'il ne se fut agi que de convictions sincères et de divergences d'idées entre partisans loyaux de dynasties rivales, le trouble, apporté par le rétablissement de la monarchie bourbonnienne, se serait sans doute borné aux quelques destitutions de fonctionnaires, inévitables et nécessaires lors de tout changement de gouvernement. Mais il fallut compter avec la tourbe immonde des valets du pouvoir, de ceux qui ayant prêté et violé tour à tour les serments les plus dissemblables, cherchaient par un zèle excessif à faire oublier leurs servilités de la veille. Les premiers mois de la seconde Restauration les virent à Dijon particulièrement nombreux [Un aperçu des événements dgonuais à cette époque est donné par Paul Gaffarel, La seconde Restauration et la seconde occupation autrichienne à Dijon, en 1815 (dans Mémoires de la Société bourguignonne de géographie et d'histoire, t. XII, p. 191) ]. Suspects à leurs yeux et dénoncés à la police furent tous ceux qui ne manifestaient pas extérieurement leur enthousiasme pour le nouvel état de choses. La cocarde blanche ne suffisait pas : il fallait des paroles, fussent-elles mensongères ; garder le silence était manquer de loyalisme.

L'Académie qui semblait, comme un sanctuaire respecté et un lieu d'asile, devoir être à l'abri des orages politiques, fut cependant, elle aussi, victime des délations et des proscriptions. Une épuration parut nécessaire et, pour la faciliter, un nouveau règlement fut élaboré le 28 décembre 1815, qui permit l'élimination des membres qui avaient servi les régimes disparus et leur étaient restés fidèles. Parmi les indignes figuraient le secrétaire perpétuel Pierre Morland et d'autres académiciens plus illustres que lui : Carnot, Monge, Guyton de Morveau, Prieur de la Côte-d'Or. [Paul Gaffarel, Prieur de la Côte-d'Or (dans Revue bourguignonne de l'enseignement supérieur, t. IX, n° 4) ].

Peut-être le docteur Morland n'eut-il pas autrement pâti de la réaction royaliste, si les événements de Grenoble et la tentative avortée du colonel Didier n'avaient, sur tout le territoire, poussé le gouvernement, effrayé par le mécontentement qu'il sentait très sérieux dans une grande partie de la population, à se livrer à de fort graves mesures de répression contre tous ceux qui, ouvertement ou tacitement, restaient encore attachés au régime impérial [Au mécontentement politique s'ajoutait l'appréhension causée par les très mauvaises récoltes. Comme toujours le peuple des campagnes s'en prenait de sa misère au gouvernement]. Dans la Côte-d'Or, ces mesures de police se manifestèrent par le procès retentissant intenté au général baron Vaux et diverses arrestations des principaux bonapartistes. Le général Vaux, commandant la division; M. Hoyer, préfet par intérim; les deux frères Lejéas, le maire Hernoux, avec d'autres personnalités du département pendant les Cent jours, étaient accusés de s'être rendus complices du retour de Napoléon, notamment en acceptant de lui des fonctions avant le 20 mars, quoique après l'arrivée du maréchal Ney, entrant le 15 à Dijon avec le drapeau tricolore. La défense du général Vaux fut présentée par Cabet, alors jeune avocat plein de talent, qui devait finir le plus bizarre des utopistes. Cabet soutint que si le général Vaux était coupable, ainsi que ses co-accusés, tout Dijon l'était et nombre de royalistes des plus notables, qui, bien avant le 20 mars, avaient pris la cocarde tricolore et donné leur adhésion au nouveau régime. Plusieurs de ceux-ci vinrent, d'ailleurs, témoigner que le général Vaux leur avait sauvé la vie au milieu de l'effervescence populaire qui n'était pas sans danger [Cf. Lettre de M. Cabet aux électeurs du 2e arrondissement de Dijon, 15 juin 1831, Dijon, Douillier, p. 21]. Cabet obtint l'acquittement de son client, ce qui entraîna l'acquittement des autres accusés. Les poursuites avaient été commencées au début de 1816 ; les audiences de la Cour d'assises avaient duré du 19 au 28 août.

Pendant que ces notabilités bonapartistes risquaient devant la juridiction criminelle une condamnation qui pouvait être capitale, Pierre Morland qui n'avait exercé pendant les Cent jours que des fonctions publiques effacées, s'étant contenté d'être conseiller municipal, était cependant arrêté le 8 mai 1816, sur l'ordre du secrétaire général de la préfecture, M. de Tessières. Cette incarcération semble avoir été de courte durée. Remis en liberté, Pierre Morland était, peu de temps après, par mesure de police, envoyé en résidence à Flavigny, considéré, dit une lettre du préfet, M. de Tocqueville, adressée au commissaire spécial de police, M. Jollivet, comme étant avec Liegeard l'orphèvre les deux meneurs les plus actifs de Dijon, et ceux qui soutenaient avec le plus de persévérance et de succès l'esprit de mécontentement [L'original de cette lettre, datée de Beaune le 1er juillet 1815, est entre mes mains. On y lit : « Je suis assez content de ma tournée. Je crois avoir gagné entièrement au parti du Roi le colonel Portier et il a une influence assez étendue pour balancer s'il le veut celle de la famile Coste. Les femmes de cette famille sont détestables. Cependant j'ai mis la veuve Rodier en liberté sous surveillance; mais en même temps, j'ai mandé à Savagnier de se rendre à St-Jean-de-Losne et je lui ai envoyé une instruction étendue sur les moyens de s'insinuer dans la confiance de la clique qui est encore assez nombreuse dans cette ville. J'ai été très satisfait des officiers à demi-solde à Seurre. En tout cette ville vaut mieux : mais la Saône desale tout le monde. Elle est débordée de nouveau. Les malbeurs de la saison nuisent à l'amélioration de l'esprit public. »]
Il est utile d'ajouter que l'on attendait à Dijon le duc d'Angoulème, qui devait faire son entrée le 6 juillet dans la soirée, et que, sans doute, le préfet et le commissaire de police sentaient la nécessité d'éloigner tous ceux dont la présence pouvait faire craindre que les fêtes ne fussent troublées par quelque incident manquant de loyalisme. [Cf. Joseph Garnier, Notice historique sur l'hôtel de la préfecture de la Çôte-d'Or, dans l'Annuaire départemental de la Côte-d'Or, année 1858].

Ce fut le 4 juillet 1816, après avoir mis ordre à ses affaires, que le docteur Morland prit le chemin de Flavigny. Pour lui ce fut un véritable exil qu'il prit fort à cœur, avec une intensité qui nous surprend aujourd'hui. Il nous en a laissé une relation écrite au jour le jour, malheureusement trop longue pour être citée en entier, mais dont quelques passages méritent d'être reproduits, particulièrement lorsqu'il raconte ses excursions à Sainte-Reine.

Ce journal commence le 4 juillet 1816 :

Je suis sorti de Dijon à cinq heures précises du matin dans une petite voiture découverte... il faisait froid, il pleuvait légèrement. Nous arrivons au Val de Suzon. Demorey nous reçoit d'un air contrit et humilié; nous nous rembarquons et arrivons à St-Seine avec la pluie... Quels chemins, quelle forêt que celle de Bligny, quelle descente que celle de Pressigny, quelle affreuse montée que celle de Boux... Après une forêt détestable, nous nous trouvons enfin vis-a-vis de Flavigny... la montée est longue et rapide, l'aspect en est rebutant; la ville est entourée d'une muraille noire et triste ; les portes ressemblent à l'entrée d'une prison; les rues sont désertes...

Pierre Morland voit évidemment les choses en noir. Il pleut d'ailleurs et il pleuvra pendant tout son séjour à Flavigny; il fait froid et il est nécessaire d'acheter du bois. Chez l'aubergiste Varote, à l'enseigne de Sainte-Reine, la vie ne peut être que monotone. Les relations cependant ne manquent pas ; Pierre Morland a retrouvé d'anciens amis ; il a fait de nouvelles connaissances. Il peut échanger des visites avec le maire, M. Garnier, M. Petrot, le juge de paix, MM. Potier et Bourée, les frères Gaveaux et leur tante, Mme Simon, des employés des droits réunis, MM. Percevot et Chaurion, M. Chevrot, à qui il va rendre visite dans sa propriété de Leugny. Les distractions sont rares, en dehors des promenades que gâte bien souvent le mauvais temps.

7 Juillet... Après déjeuner, je vais voir la fontaine des anis; cette promenade sera la mienne quelquefois. Le joli ruisseau ; comme il murmure bien ; comme il est écumant. Je veux suivre son cours malgré les cailloux. Comme il me conduit agréablement jusqu'à un charmant réservoir; une vanne en dirige les eaux sur un moulin qui repose. Joli tableau d'enfants, qui jouent sur le bord du bassin avec des moutons et les baignent; hommes, femmes faisant humecter les joncs dont ils attachent la vigne. Beau coteau, vignes, vergers mélangés, chemin de Sainte-Reine. Je l'aime tout plein, depuis ma chambre surtout. Il me rappelle les routes du Comté de Nice. [C'est la même impression qui est exprimée par notre collègue, M. Henri David, dans son livre : La Tramontane].

Pierre Morland désirait vivement allonger sa promenade quotidienne et aller jusqu'à Alise; mais il fallait compter avec la pluie et l'autorisation administrative, puisqu'il ne pouvait s'éloigner de Flavigny sans permission. Enfin, le 12 juillet, il put partir :

Je suis en marche. Tout va bien jusqu'au coin de la montagne, mais au delà, c'est bien la plus jolie route en croche et double croche que l'on puisse rencontrer. Enfin, je vais par haut et par bas et j'arrive à Ste-Reine. Le village n'est pas beau, les hommes ne sont pas beaux, les femmes ne sont pas belles, du moins quant à présent ; mais j'aimerais mieux Ste-Reine que Flavigny. Le pays est à mi-côte ; la rue est alignée, les maisons ont une figure humaine et la vue du vallon est plus riche qu'à Flavigny. Je veux me baigner et ne veux rien voir aujourd'hui que les bains. Monsieur Lehup a pour moi des attentions ; on prépare ma baignoire. [M. Lehup était notaire; il s'occupa activement des fouilles exécutées en 1822. (Pro Alesia, t. V, p. 716.) Il était sans doute administrateur de l'hospice en 1816] La salle est laide, peu commode, peu propre et ce n'est pas ce que l'on m'en avait dit. Le bain me fait grand bien, mes poumons jouent avec plus d'aisance, je suis mieux, beaucoup mieux... Je ne puis passer devant l'église des Cordeliers ou du moins ses ruines sans y entrer. Le tonnerre est tombé sur le clocher et a tellement endommagé la voûte qu'il a fallu sacrifier une partie de l'édifice. L'intérieur n'est remarquable que par la statue de sainte Reine fort mesquine et par trois béquilles suspendues à l'autel. Cependant on voit avec surprise dans le chœur un grand aigle servant de pupitre ; il est sculpté hardiment... Il y a une fort belle tête en pierre exposée à toutes les influences du mauvais temps, dans la cour d'une auberge, chez M. Garnier...

Le 21 juillet, nouvelle excursion à Alise : baignade à l'hospice, déjeuner chez Mme Loquin, achat de chapelets chez Mme Jacob, ainsi que de la tragédie de sainte Reine, composée par maître Claude Ternet, professeur ès mathématiques et arpenteur juré pour le roi au Chalonnois. [Sur la fondation de l'hospice d'Alise, cf. Emile Remy, M. Jean Cœurderoy, président uux requêtes du Parlement de Bourgogne (passim) dans Bulletin d'histoire et d'archéologie religieuses du diocèse de Dijon, t. XIII et XIV ; Raoul Allier, La cabale des dévôts (Paris, Colin, 1902), p. 242, note 1. — Une vue du couvent des Cordeliers au dix-septième siècle est reproduite dans Pro Alesia, tome V].

23 juillet. Encore à Sainte-Reine. Mais cette fois nous visitons l'hospice. La sœur Françoise a des bas blancs bien sales, mais aussi comme elle est complaisante, comme elle nous conduit droit à la pharmacie qu'elle soigne comme le font toutes les religieuses avec un peu de coquetterie. Il n'y a que les étiquettes qui révoltent. Quelle main barbare les a écrites et comment ne se trouve-t-il pas parmi les administrateurs ou les baigneurs quelques personnes assez amies de la maison pour rectifier des choses qui sont d'un aussi grand ridicule? Ah ! sœur Françoise, si mon malheur veut que je reste quelque temps dans votre voisinage, je me permettrai de vous en demander la permission. La lingerie est petite, mais propre, très propre. En en sortant je me glissais dans un petit corridor au fond duquel je voyais quelques lits; je croyais que c'était une infirmerie; mais sœur Françoise m'a retiré doucement par le bras et a préféré me conduire à l'église. Moi qui ne sais point résister à sœur Françoise, je l'ai suivie et n'ai pas eu lieu de m'en repentir, car indépendamment de plusieurs tableaux représentant les époques remarquables de la vie de sainte Reine, j'ai vu le portrait fort bien fait de la mère Dumoulin et plus particulièrement sur le maître-autel un charmant tableau représentant la Présentation au Temple Jolie tête de la Vierge. Bel ensemble du grand-prêtre ; têtes superbes des assistants. Les draperies sont larges, les couleurs sont ternes, mais le tableau a été mal soigné. Nous vous remercions, sœur Françoise, mais un jour je mettrai de l'ordre dans votre officine... Allons, allons, malgré la chaleur, il faut grimper au mont Auxois... Nous arrivons au sommet. Quelle vue : Pouillenay, Venarey, Les Laumes, Les Granges, Grignon et ses tours, prison où sainte Reine a été renfermée, l'Oze, l'Ozerain, Grésigny, Bussy... Nous sommes sur les ruines d'Alise...

Ces promenades à Sainte-Reine, aux bains de l'hospice et au mont Auxois se renouvelèrent et furent pour l'exilé une distraction salutaire. Le 1er aout, un ordre de la préfecture vint subitement l'arracher à ses nouvelles habitudes en l'envoyant prendre les arrêts à Gray. C'était toujours l'exil, mais combien adouci. Gray n'avait pas pour Pierre Morland l'aspect rébarbatif de Flavigny. Il y trouvait un pays plus riant, des promenades charmantes, une société plus nombreuse et des parents, les familles Robinet et Dufournel. Il se logea à la Folie, au bord de la Saône, et continua à tenir son journal. Le 23 août, ne sachant sans doute que faire, il entra au collège.

Aujourd'hui, je suis allé à l'exercice de Rhétorique. Il n'y avait pas vingt personnes. La salle est immense, dégradée, malpropre. Un grand nombre d'enfants presque déguenillés y jouaient et s'y disputaient. Un théâtre assez élevé, mais sans aucune décoration et ressemblant à une sorte d'échafaud, était destiné aux élèves. A droite, une table couverte d'une méchante étoile grisâtre servait de tribune à celui qui devait répondre ; à gauche une autre table couverte d'un drap bleu était pour le professeur; et dans le milieu une troisième table recouverte d'un vieux tapis de pied à mille couleurs, et sur elle un très petit buste du roi couronné de grandes feuilles de laurier. Dans le fond une porte ouverte communiquant à la cuisine du pensionnat. Très beau discours du professeur (il ne sait vraiment ce qu'il dit), interrogatoire des élèves non par le public, mais par lui. Tout le monde bâille. Mais ce fut bien pis lorsqu'il fit lire à chacun des élèves les prétendus discours qu'ils avaient, disait-il, composés. On ne pousse pas plus loin l'impudence. Mais pendant ce temps, on avait quelques légers divertissements. On voyait par la porte du fond jusque dans la cuisine ; les écoliers qui avaient l'estomac creux se souciaient peu des beaux discours de leurs camarades; ils se précipitaient vers la cuisine et la cuisinière, les bras nus et un couteau à la main, distribuait le pain du goûter. Le petit chien s'en mêlait et il n'y eut pas jusqu'au chat qui, piqué de curiosité, ne soit arrivé sur le théâtre et ne se soit allé poser sur un des replis de la robe du professeur. Le plafond même était percé et l'on voyait des yeux appliqués aux trous du plancher comme aux verres d'une lanterne magique. J'ai choisi le moment le plus opportun et après deux heures et demie de séance, n'ayant cependant entendu que deux élèves, je me suis doucement esquivé, me promettant bien de ne plus y être pris.

Plusieurs voyages à Dijon permirent au docteur Morland de rencontrer M. de Tocqueville et d'obtenir de lui des précisions sur les motifs exacts de la mesure administrative qui avait été prise contre lui. Il n'eut pas de peine à en démontrer l'inanité. Ses amis, en même temps, sollicitaient pour lui et le marquis de Grammont, député de la Haute-Saône, agit directement à Paris. Le ministère et le préfet de la Côte-d'Or surent se dégager des influences des ultras trop zélés, et Pierre Morland reçut enfin la permission de rentrer à Dijon. Il quitta Ciray le 20 septembre pour aller passer quelques jours à Montagney, chez ses cousins Robinet.

Cet exil à Flavigny et à Gray fut le dernier incident notable de la vie de Pierre Morland. Sa grande préoccupation, pendant ses malheurs, avait été de perdre ses fonctions de professeur à la Faculté des sciences. Elles étaient pour lui non seulement un appoint important à ses ressources matérielles, mais aussi une occupation aimée. Il avait la passion de la botanique et de la géologie ; il collectionnait les échantillons de minéralogie et son herbier était considérable. Dans son entourage, on accusait de sa disgrâce l'ardeur politique du recteur M. Berthot, doyen de la Faculté des sciences et président de l'Académie, ainsi que l'ambition moins noble du docteur Vallot, qui remplaça Pierre Morland comme secrétaire perpétuel de l'Académie ; il était son adjoint à la Faculté des sciences et aurait voulu devenir professeur titulaire. Heureusement, il n'en fut rien, et M. Vallot resta suppléant. D'ailleurs, le royalisme intransigeant de M. Berthot n'altérait pas la noblesse de son esprit.

Jamais caractère ne fut plus ferme, plus digne et plus indépendant sans bruit ni jactance ; pour Nicolas Berthot, connaître son devoir et s'y conformer était une même chose ; très franchement royaliste et attaché aux Rourbons de la branche aînée, il ne s'abaissa jamais à rendre un service politique ; c'est ainsi qu'en plein ministère Villèle (1821-1828), on le vit refuser de présenter pour le Conseil académique les candidats agréables et proposer Proudhon, Morland et Mathieu, dénoncés par toutes les voix des ultras. [H. Chaheuf, Louis Bertrand et le romantisme à Dijon. (Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, 4e série, vol. Ier, p. 291) ].

Si le docteur Morland ne rentra pas à notre Académie, il conserva toutefois sa chaire à la Faculté des sciences. Le Journal de la Côte-d'Or, dans son numéro du 10 avril 1837, rappelle l'intérêt qu'il savait donner à son enseignement.

Qui de nous ne l'a pas entendu embellir et orner cette science aride de tous les agréments du style et de la pensée ? Qui de nous ne s'est pas pressé, l'été, dans ce Jardin des plantes, où la botanique était par lui développée, non avec cette austère et grave érudition qui fatigue parfois, mais avec cette grâce, cette verve et cette facilité qui lui conciliaient tous ses auditeurs ?

Entre temps, les sociétés savantes étrangères prenaient à gré de le posséder parmi leurs membres et lui envoyaient d'élogieux diplômes. Pierre Morland les conservait comme d'honorables témoignages du renom scientifique qu'il s'était acquis, trop modeste pour en faire état, même devant ses amis.

La révolution de 1830 lui permit de rentrer au Conseil municipal de Dijon ; mais la politique n'était pas son fait ; les sciences et surtout le jardin botanique qu'il dirigeait et auquel il consacrait tout son temps, l'intéressaient davantage.

La fin de sa vie fut calme et beureuse ; il vécut assez pour voir deux des enfants, deux filles, de sa fille Anne-Caroline Perrenet. Lui-même, trop ami de la société pour vivre sans foyer, s'était remarié, le 20 octobre 1820, avec Claudine-Henriette Musard, fille de François Musard, qui avait été membre du Conseil des anciens, et de Bernarde Jacotot. [Le portrait de M. Musard, peint par Prud'hon, est au musée de Dijon, donné par ses filles, Mme Morland et Mme Drevon].
Il n'eut pas d'enfant de ce troisième mariage.

Dans les derniers temps de sa vie, dit le Journal de la Côte-d'Or, il n'exerçait la médecine que pour ses amis et pour les malheureux qu'il aida toujours de sa bourse, de ses soins affectueux et de ses conseils. Depuis longtemps administrateur des prisons, il s'appliqua principalement à en améliorer le régime et à soulager la misère des détenus. Jamais un jour ne s'écoulait sans qu'il n'allât passer quelques heures près de ces malheureux, dont l'âme endurcie au crime rendait hommage à sa vertu et à son dévouement. Un mot pour terminer son éloge : Morland est mort sans fortune.

Si le docteur Morland, en effet, n'a pas laissé de fortune matérielle, il a laissé, ce qui vaut mieux, le souvenir, parmi les personnes de sa génération, d'un savant accompli, d'un excellent citoyen, et parmi sa famille d'un aïeul respectueusement vénéré. L'Académie a eu en lui, pendant seize années, un membre plein de zèle et dont les travaux sont encore intéressants. Si, plus tard, lorsque les passions de 1815 furent apaisées, il ne crut pas de sa dignité de rentrer parmi ses anciens confrères, il fit partie de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or, à titre de membre titulaire, dès l'origine de sa formation, et dans le tome Ier de ses Mémoires (p. XX), cette Compagnie, qui devait parcourir une carrière aujourd'hui presque centenaire, rendait ainsi hommage au docteur Morland :

Il était un homme profondément instruit dans les sciences de la géologie, de l'histoire naturelle et de la botanique, qu'il a longtemps professée à Dijon ; sa parole avait tant de charme qu'il rendait agréables aux nombreux élèves qui suivaient ses cours les matières les plus arides. C'est sur sa proposition et par ses soins que le jardin botanique a été transféré au lieu où il est aujourd'hui, et qu'a été établi, dans la belle galerie de l'Arquebuse, le curieux cabinet d'histoire naturelle.

L'Académie, en 1837, n'avait pas songé à lui rendre un dernier devoir ; je la remercie de m'avoir aujourd'hui permis de réparer cet oubli et d'accueillir ces quelques lignes de piété filiale.