La SABIX
Bulletins déja publiés
Biographies polytechniciennes
 

Félix SAVARY (1797-1841)

Ce texte a été publié dans le Livre du Centenaire de l'Ecole polytechnique, 1897.

Né à Paris en 1797, Félix Savary entra à l'Ecole Polytechnique en 1815, le premier d'une promotion de cent élèves (Nous devons la connaissance des détails de la vie de Savary à une obligeante communication de M. Laugier). Compris, comme son camarade Lamé, dans le licenciement général de 1816, il fut autorisé l'année suivante à passer les examens de sortie et obtint son admission dans le corps des Ingénieurs-géographes. Devenu sous-lieutenant en 1819, il travailla pendant deux ans à la mesure du parallèle moyen, après quoi, quittant la Géodésie pour la Topographie, il fut chargé du levé de la feuille de Provins. Il demeura attaché au service de la Carte de France jusqu'en 1823, époque où il se fit mettre en congé.

C'est de cette même année que date son premier mémoire scientifique. Lié avec Ampère et Arago, il avait commencé à s'occuper d'Electricité et de Magnétisme. Il publia, dans le Journal de Physique, un travail sur l'application du calcul aux phénomènes électrodynamiques. Le même ordre d'idées l'occupait encore lorsqu'il donnait aux Annales de Chimie et de Physique un mémoire sur l'aimantation, où il étudiait, à la suite d'Arago, les effets produits par les courants ou par les décharges électriques sur des aiguilles d'acier, renfermées dans des manchons de verre ou de métal.

Dans l'intervalle, en 1824, il avait donné sa démission d'ingénieur-géographe et était devenu membre-adjoint du Bureau des Longitudes. A ce titre, il fut immédiatement chargé, à l'Observatoire, sous la direction d'Arago et de Mathieu, de travaux astronomiques, et acquit en peu de temps la réputation d'un observateur distingué. La bienveillance de l'illustre directeur ne devait jamais lui faire défaut. Aussi, en 1828, Mathieu étant devenu professeur d'Analyse à l'Ecole, sa succession, comme répétiteur du cours de Géodésie professé par Arago, fut-elle donnée à Savary. Trois ans après, Arago, élu secrétaire perpétuel, abandonnait son cours, et le répétiteur était nommé professeur titulaire.

Déjà il s'était fait connaître par un travail astronomique de haute portée, nous voulons parler d'un mémoire, inséré dans la Connaissance des Temps pour 1830, « sur la détermination des orbites que décrivent, autour de leur centre commun de gravité, deux étoiles très rapprochées l'une de l'autre ». Savary s'était proposé d'établir les différentes formules applicables au calcul des éléments elliptiques du mouvement des étoiles doubles, quelles que fussent les inclinaisons et les excentricités. C'était la première fois que la question était abordée et l'on a pu dire que, par là, Savary avait ouvert un chapitre de l'astronomie stellaire. Bientôt sa réputation était assez bien établie pour que, le 24 décembre 1832, l'Académie des Sciences lui donnât, dans la section d'Astronomie, le fauteuil d'Arago, vacant depuis que ce dernier avait pris la succession de Fourier.

A cette époque, le professeur de Géodésie de l'Ecole Polytechnique était en même chargé du cours de Machines. C'est à ce titre que Savary, ayant à s'occuper des engrenages, fut conduit à un théorème, qui a laissé un souvenir durable, « sur la courbure de la courbe engendrée par le mouvement d'un point lié à une courbe roulant sur une courbe fixe ». Ce théorème, qui se résume dans une construction géométrique très simple, a servi de base à d'intéressantes théories sur les courbes épicycloïdales.

Outre son cours de Géodésie et de Machines, Savary donnait aussi à l'Ecole des leçons d'Arithmétique sociale, que les Elèves suivaient avec un puissant intérêt.

En 1840, Savary fut atteint d'une maladie de poitrine. Les conseils de ses amis ne purent le décider à interrompre ses travaux. Même il aggrava son mal en passant de longues heures en plein air, pour se livrer à des expériences d'acoustique. Ce n'est que durant l'hiver de 1840 à 1841 qu'il se résigna à se faire suppléer dans son cours à l'École. La maladie résistant à tous les soins, Mathieu, qui partageait pour Savary l'affectueux intérêt de son beau-frère Arago, tenta, comme dernière chance de salut, un voyage dans les Pyrénées-Orientales. Il y conduisit le malade au mois de mai 1841, et l'installa à Estagel, où la mère d'Arago ne put lui prodiguer ses soins que pendant quelques semaines. Le 15 juillet, Savary s'éteignait au milieu de ses amis. Comme il ne s'était fait aucune illusion sur son état, avant de quitter Paris, il avait détruit tous les manuscrits de ses travaux inachevés. A cause de l'éloignement, l'Institut ne fut pas officiellement représenté à ses funérailles. Son éloge en séance publique est encore à faire, et si le Dictionnaire universel de Larousse ne lui avait pas consacré quelques lignes, on pourrait dire que tous les biographes se sont donné le mot pour l'oublier. Aussi, sans les souvenirs durables que cet homme de cœur et de savoir a laissés chez les survivants de la famille d'Arago, eût-il été impossible de lui donner, dans le Livre du Centenaire, une place en rapport avec son incontestable mérite.

A. DE LAPPARENT.