Acheter ce bulletin pour 20 € + 3 € de frais de port (France et Europe) :

Frais de port inclus pour l'Europe. Pour une expédition hors d'Europe, le prix est de 30 € incluant 10 € de frais de port : payez sur la boutique Sabix.




Bulletin n° 62

Guerre et Paix. Des polytechniciens en Russie (1810-1840)
Le fonds Fabre

Ce numéro comporte 187 pages.

Contenu du numéro :

  • Editorial :
    Des polytechniciens en Russie
    ,
    par Christian Marbach

  • I. Envoi de quatre polytechniciens en mission

    • Mécanisme de l'invitation, par Irina Gouzévitch et Dimitri Gouzévitch

    • Exil en Sibérie : le « mémoire » des ingénieurs,
      par Irina Gouzévitch et Dimitri Gouzévitch

    • Les exilés de Sibérie (1812-1815)
      une aventure polytechnicienne en Russie,
      par Irina Gouzévitch et Dimitri Gouzévitch

  • II. La Campagne de Russie

    • La campagne de Russie et les polytechniciens,
      par Christian Marbach

    • Huit polytechniciens pendant la campagne de Russie,
      par Christian Marbach

    • Écrire sur la campagne de Russie : la place des X,
      par Christian Marbach

    • Peindre la campagne de Russie : la place des X,
      par Christian Marbach

    • Erik Egnell raconte la retraite de Russie

  • III. La contribution polytechnicienne au développement de la Russie

    • Les polytechniciens en Russie dans la première moitié du XIXe siècle
      Esquisse d'un portrait de groupe,
      par Irina Gouzévitch et Dimitri Gouzévitch

  • IV. Le fonds Fabre

    • Un polytechnicien au service des tzars : le fonds Fabre,
      par Olivier Azzola

    • La conservation-restauration des plans de Jacques Alexandre Fabre,
      par Delphine Gallot

    • Notice nécrologique sur le Général Fabre,
      par Tiburge Hiard, Colonel en retraite, PARIS 1845

    • A la recherche de compléments d'archives sur le général Fabre,

  • V. Suppléments

    • Thomas Lestelle X1815 : un X sucrier en Russie,
      par Christian Marbach

    • Thomas Lestelle
      Ingénieur X1815 (09.09.1796-15.01.1873),
      par Jean Lestelle

    • Liste complète des publications de Irina Gouzévitch et Dimitri Gouzévitch consacrées aux français en Russie 02.1983-31.12.2017

Editorial
Des polytechniciens en Russie

Christian Marbach

    Nous dédions ce bulletin à Madame Sylvie Monnet, qui a offert à l'École polytechnique le fonds Fabre.

Une malle aux trésors ?

Le 6 septembre 2015, mon camarade Jean Salmona (X 1956) m'informa d'une heureuse possibilité: une de ses amies, Sylvie Monnet, historienne, avait un ancêtre polytechnicien (Jacques-Alexandre Fabre, X 1801) qui avait travaillé en Russie à l'époque de Napoléon et mis ses capacités pendant plus de vingt ans à la disposition du tsar. Madame Monnet possédait une collection de plans, notamment de ponts ou de bâtiments, réalisés par son ancêtre en Russie. Elle souhaitait en faire don à la bibliothèque de l'X, si cela l'intéressait. Jean Salmona me proposait de prendre contact avec Sylvie Monnet pour lui indiquer les démarches à entreprendre.

Je connaissais un peu l'aventure de quelques polytechniciens envoyés en mission à Saint-Pétersbourg en 1810. Je savais aussi que deux historiens, Irina et Dimitri Gouzévitch, de culture à la fois russe et française en avaient étudié bien des aspects et acquis une connaissance approfondie du parcours de divers X en Russie à cette époque; ils avaient d'ailleurs aidé la Sabix à enrichir le contenu des bulletins consacrés à d'éminents savants comme Poncelet (X 1807, bulletin Sabix 19) et Lamé (X 1815, bulletin Sabix 44). Dans ces bulletins, l'aventure des quatre « missionnaire » était souvent abordée même si Fabre (X 1801) était moins célèbre que ses camarades de mission Bazaine (X 1803), Destrem (X 1804) et Potier (X 1805). Aussi, je fus tout de suite persuadé que cette proposition de don ne pouvait qu'être accueillie avec joie par les responsables de la bibliothèque de l'École et contribuer à la recherche historique sur cette époque et ces personnages.

Encore fallait-il ouvrir la malle...

Un contenu à analyser

Le présent bulletin préparé par la Sabix a pour premier objectif de décrire l'exceptionnel fonds d'archives ainsi entré à l'École polytechnique. Il avait certes été protégé pendant presque deux siècles dans cette malle, et il était tentant de rapprocher son destin à celui d'un bagage du général Dourakine, malencontreusement monté par ses serviteurs au grenier et oublié pendant plus d'un siècle. Et voici qu'une fée le retrouvait, en examinait le contenu avec curiosité et érudition et en faisait don à l'école de son ancien propriétaire !

À cet hommage rendu à notre École, celle-ci se devait de répondre avec respect et minutie. Avec l'assistance de la Sabix, la bibliothèque vérifia le contenu de la malle, entreprit les travaux de restauration indispensables, l'analysa, le numérisa, le rendit exploitable. Cette étape indispensable fut menée avec un professionnalisme affirmé par les services de l'École et notamment par Delphine Gallot, relieur-restauratrice et Olivier Azzola, archiviste à la bibliothèque. Ils ont accepté de nous relater les étapes de cette mise au net, mais aussi de nous en faire une description détaillée. La partie IV de ce bulletin est particulièrement consacrée au fonds Fabre et nous en présente de nombreuses pièces, parmi les deux cents du dossier.

Une aventure aux débuts difficiles

Cette présentation du fonds Fabre pouvait à elle seule justifier un bulletin de notre association. Mais en réfléchissant avec Madame Monnet, mes amis de la bibliothèque et de la Sabix, comme avec Irina et Dimitri Gouzévitch, j'ai peu à peu ajouté à cette agréable nécessité - présenter le fonds Fabre - une autre ambition: raconter les années que Fabre passa en Russie, de 1810 à 1833. Mais raconter Fabre est impossible sans évoquer ses compagnons de la première heure, Bazaine, Destrem et Potier; impossible aussi sans raconter le passage en Russie d'autres X venus les rejoindre vers 1820, comme Lamé, Clapeyron, Enfantin ou Raucourt.

Je l'ai déjà dit: je savais qu'lrina et Dimitri Gouzévitch avaient sur ces polytechniciens expatriés une vision globale. Je leur ai donc proposé d'une part de nous raconter les débuts singuliers de cette aventure, d'autre part de nous dresser un portrait de groupe des X actifs en Russie à cette époque.

Commençons par le commencement. La Russie cherche des experts pour accélérer son développement. Quatre polytechniciens français sont désignés pour accomplir cette mission après une sélection relatée par Irina et Dimitri Gouzévitch dans « le Mécanisme de l'invitation ». Cela pourrait ensuite se dérouler comme la mise en oeuvre de chantiers successifs mais l'invasion de la Russie par Napoléon en 1812 modifie le programme: comme si Alexandre Dumas ou Jules Verne intervenaient dans le récit ! Voici nos quatre jeunes ingénieurs arrêtés, envoyés en Sibérie, ramenés d'Irkoutsk seulement en 1815, invités à rester et écartant finalement l'idée d'une carrière en France pour rester au service du Tsar. Ce chapitre de leur vie est traité dans ce bulletin, d'abord par la reproduction d'un mémoire signé des quatre X, puis par l'indispensable explication de texte qu'en ont faite Irina et Dimitri Gouzévitch.

Une contribution essentielle au développement de la Russie

Dans la partie III de ce bulletin, Irina et Dimitri Gouzévitch dressent une fresque et un portrait de groupe. Portrait du groupe de la vingtaine de polytechniciens arrivés après 1815: la bande des Quatre devient une véritable escouade de personnages d'exceptionnelle qualité dont sont évoqués la personnalité, les comportements, et surtout les travaux. Dans une fresque ambitieuse nous les voyons vivre en Russie sans pour autant négliger leurs relations avec l'administration française, participer à la vie sociale de la capitale russe, former des ingénieurs russes, poursuivre des recherches scientifiques. Les travaux que nous trouvons illustrés dans le fonds Fabre font partie des réalisations que la Russie doit aux anciens élèves de l'École polytechnique, une tâche étonnante par son ampleur comme par sa diversité. Incroyable accumulation d'activités fécondes, dont le principal instigateur français, Bazaine mérite à lui seul un coup de projecteur qui lui rende justice en le différenciant avec netteté de l'un de ses fils qui deviendra le maréchal Bazaine.

Les X en Russie, la guerre aussi

Nos X expatriés ont vécu l'essentiel de leur séjour en Russie en pouvant se montrer loyaux tout aussi bien envers leur pays d'origine que leur pays d'adoption. Mais le destin a voulu que la campagne de Russie, ou si vous préférez la « grande guerre patriotique » ait été déclenchée alors que les quatre premiers « missionnaires » étaient en train de travailler avec entrain en Crimée ou à Saint-Pétersbourg.

Aussi il aurait été illogique, et même malhonnête, de mettre en lumière l'oeuvre tellement utile de ces X contribuant au développement de l'empire russe sans rappeler qu'en 1812 un conflit armé d'une férocité jamais atteinte en Europe introduisit une nette coupure dans le travail de Fabre et de ses compagnons, et conduisit deux à trois cents autres polytechniciens à participer à des batailles, à la prise de Moscou, à la retraite. Si une centaine y décédèrent ou disparurent, tous ceux qui en revinrent en furent marqués pour toujours. Les temps passés sur les champs de bataille, ou dans les hôpitaux de fortune ou les camps de prisonniers ont d'une autre manière, plus dramatique, forgé des destins polytechniciens. Même si leur relative jeunesse n'a mis que peu d'X au premier plan des états-majors, ils ont été au front et la guerre en Russie a été pour beaucoup une époque fondatrice.

Nous avons donc intégré dans ce bulletin une série de courts articles sur les X dans la campagne. Généralité arithmétique: que de morts ! Parcours individuels : ce qu'ont fait en Russie Fabvier, Poncelet, Crozet, de Chambray, Lariboisière, Gourgaud a compté dans la suite de leur carrière et dans le rôle que leur reconnaît l'histoire. Mais les X ont aussi été importants comme premiers narrateurs et analystes de la campagne et, même dans le récit qu'en ont fait les artistes, Langlois ou Charlet, ont joué un rôle majeur.

Le hasard du calendrier littéraire fait coïncider, à quelques mois près, la sortie de notre bulletin avec celle du nouveau livre d'Erik Egnell, « La Retraite de Russie, l'incroyable échappée ». Tout logiquement, nous avons convié Erik Egnell (X1957) à nous expliquer le point de vue qu'il a adopté pour narrer la campagne en s'intéressant de près à tout ce que la littérature française et russe en a dit.

Quelques questions ?

Avoir tenté d'approfondir le rôle des polytechniciens en Russie pendant ce premier tiers du XIXe siècle peut sans difficulté nous rappeler quelques évidences. La double vocation des X à cette époque, l'art de la guerre et le développement scientifique, technique et économique. Leur professionnalisme reconnu, dont témoignent les fonctions qu'on leur confie en France comme ailleurs. Leur engagement total, qu'on peut appeler sens du devoir ou loyauté, comme en témoignent les listes de leurs morts dans l'hiver russe comme leur intégration dans les hiérarchies russes avec l'accord de leurs corps d'origine français. Leur acceptation de l'aventure hors de France qui les amène à jouer les pontonniers sur la Bérézina ou les architectes en Crimée, mais aussi de s'immerger dans leur nouveau cadre de travail par leur apprentissage de la langue et leur vie familiale.

On peut ajouter à cette liste qui mériterait d'être affinée leur volonté de témoigner de l'histoire qu'ils contribuent à faire: pas seulement par les ponts, les canaux, les écluses, les monuments, les routes. Mais aussi les cours qu'ils rédigent ou les instituts qu'ils créent ou dirigent. Et, enfin, par leurs livres comme par leurs archives.

Un grand merci à nos auteurs

J'ai déjà dit combien nous sommes redevables à l'équipe de la bibliothèque pour le travail de nettoyage et d'analyse des plans rapportés de Russie par Fabre. Comme il le fait régulièrement pour nos bulletins, Olivier Azzola n'a pas seulement préparé et rédigé avec soin un article essentiel sur ce fonds. Il a également contribué à l'enrichissement de tous les articles par ses observations de lecteur engagé et de chasseur d'illustrations.

De leur côté, Irina et Dimitri nous ont fait à nouveau bénéficier de leur exceptionnelle connaissance des relations entre les deux mondes en apparence si lointains qu'étaient Russie et France à cette époque. Le dernier article de cet ensemble « La contribution polytechnicienne au développement de la Russie », qui présente l'ensemble des travaux effectués par nos amis Irina et Dimitri sur les polytechniciens en Russie témoigne de leur expertise sur ce sujet. Pendant ces mois de préparation de notre travail commun, nous avons pu vérifier combien leur professionnalisme dans la quête et l'approche des sources, rédigées en russe comme en français, jette très souvent une lumière originale sur notre manière d'étudier une histoire ou une communauté. De plus, leur fréquentation avec la « tribu » polytechnicienne est telle que leur relecture du bulletin comme la mise en perspective du rôle des X avec les événements a été infiniment précieuse. Aussi je tiens à leur adresser de nouveau mes plus vifs remerciements.

Post-scriptum

Il est rare de terminer un éditorial par un post-scriptum ! Mais en histoire, comme dans toutes les sciences, il est toujours possible d'enrichir nos connaissances. Cette évidence est ici illustrée par un texte qui nous a été proposé alors que la fabrication de ce bulletin était pratiquement terminée: Jean Lestelle, un ami de la Sabix, nous a signalé que son arrière-grand-père Thomas Lestelle, X1815, avait passé une vingtaine d'années en Russie à la même époque que Bazaine ou Lamé. Le récit de cette aventure peu connue, prolongée par une belle carrière en France dans le domaine des chemins de fer, a très logiquement trouvé sa place à la fin de notre travail. Je suis persuadé que nos lecteurs seront heureux d'en prendre connaissance, comme nous l'avons été.